Introduction

J’ai toujours aimé jouer aux jeux de société, mais je ne me suis jamais vraiment investie pleinement dans cette pratique. Un jour j’ai eu l’envie de découvrir un nouveau pan de cette activité : le jeu de rôle. Le jeu de rôle est un jeu de société sans limite où une histoire se déroule et chaque personne y incarne un personnage avec toutes ses personnalités et caractéristiques. Une personne dirige l’ensemble des événements et des caractéristiques du monde : le Maître de Jeu. C’est dans ce contexte que je suis arrivée dans une association de jeu de rôle paloise : « Aux rôlistes perchés » et que j’ai rencontré une personne qui incarnait le rôle de Maître de Jeu. Il est fan de jeux de sociétés et de jeux de rôles mais, depuis l’arrivée de son handicap il ne peut plus s’adonner pleinement à sa passion. Il est obligé de demander à sa femme de l’aider. En effet, cette personne est devenue aveugle du jour au lendemain et depuis il n’a trouvé aucune véritable solution pour pallier ses nouveaux problèmes. Quelques semaines plus tard, je les ai de nouveau rencontrés pour jouer à des jeux de société et c’est là que j’ai pris conscience du manque d’accessibilité des jeux de sociétés. Pour pouvoir jouer, on devait lui lire les cartes, les dés, jouer avec lui comme aidant. La question m’est donc naturellement venue : Comment améliorer l’accessibilité des jeux de sociétés pour les rendre plus inclusifs pour les personnes en situation de déficience visuelle ? Voir tout un pan de la culture du jeu aussi fermé pour une partie de la population m’a fait prendre conscience qu’étant dans le monde du design, nous pouvons faire bouger les choses.

En France métropolitaine, en, 2021 on compte environ 1 700 000 personnes qui seraient déficientes visuelles, soit 2.9% de la population. On en dénombre dans le monde et selon les chiffres de l’OMS : 253 millions. Pourtant, la déficience visuelle est extrêmement mal connue ou mal comprise. En effet, avant d’être confronté à elle, nous ne prenons pas vraiment conscience de tout ce qu’implique ce handicap. La plupart du temps, lorsqu’on parle de ce handicap à une personne non concernée, elle nous répond :

« Aveugle on ne peut rien faire, on ne voit plus rien. »

Or, la réalité est tout autre. C’est en intégrant l’UNADEV( union nationale des aveugles et des déficients visuels) ayant un centre se trouvant à Pau, que plusieurs questions et problématiques me sont venues. Premièrement, il est assez difficile pour les personnes atteintes de déficiences visuelles de trouver des centres adaptés et de l’aide par rapport à leurs handicaps. Le monde professionnel et les loisirs sont très peu accessibles, par manque de budget, d’organisation et de connaissance du problème. Il existe des centres comme l’UNADEV de Pau qui proposent énormément d’activités aux bénéficiaires, dont des ateliers de jeux de rôles et de jeux de société. C’est ainsi que je me suis intéressée à l’accessibilité des jeux et plus particulièrement les jeux de sociétés adaptés. Étant dans le monde du design et en étude de design numérique, j’ai voulu essayer de comprendre comment améliorer l’utilisation du jeu de société pour les personnes atteintes de déficience visuel, pour que le jeu de société soit accessible à tous sans qu’aucun joueur ne soit exclu, et que chacun ait la même expérience de jeu sans se sentir exclu. En parallèle, le marché du jeu de société ne cesse d’augmenter en France. Cette année, les chiffres ont augmenté de 12%[1] et pourtant, on laisse de côté une partie de la population 2,9 % de la population.

Ainsi en partant de ce constat, plusieurs problèmes ont été soulevés, le plus important étant le besoin presque systématique d’un voyant pour aider le joueur mais aussi les problèmes de conception de design, de matériaux, d’adaptation numérique, etc. Adapter les jeux, c’est rendre accessible la culture pour les personnes atteintes de handicap, sans barrières. Dès lors, une réelle problématique se pose :

Comment le design et l’écriture numérique peuvent accompagner l’adaptation aux jeux, notamment de société, à des joueurs ayant une déficience visuelle ?

Afin de répondre à la problématique, en premier lieu, je vais définir le handicap et le traitement du handicap en France aujourd’hui, en essayant de voir les objets déjà existants, les aides. Je vais essayer également de comprendre la question du design social, pour pouvoir par la suite, voir la place du designer de l’écriture numérique dans le jeu de société. Enfin, nous allons voir à l’aide d’une étude de terrain, comment mettre en place un jeu de société adapté et tout ce que cela implique.

Traitement du handicap visuel en France aujourd’hui

Définir le handicap

La déficience visuelle c’est quoi ? Il n’existe pas de définition unilatérale de par sa complexité. Si nous voulions définir la déficience visuelle de la façon la plus synthétique possible alors, la caractérisation la plus adaptée serait :

« Perte de l’acuité visuelle et de celle du champ visuel ».

De façon plus précise la déficience visuelle se caractérisait des façons suivantes :

Pour faciliter la compréhension et la visualisation de ce qu’il en est réellement, il est important de définir les différentes déficiences visuelles (voir en annexe). Pour cela nous allons utiliser des montages qui recréent au mieux, la déficience visuelle en question et une description des effets produits:

Objets existants et aides techniques

Les aides les plus courantes que l’on peut retrouver sont les suivantes :

Nous allons nous concentrer sur les aides existantes à but d’initiatives sociales et culturelles qui ne sont pas à but de mobilité comme la canne blanche. Pour commencer, il est important de faire une sorte d’abécédaire des objets existants afin de comprendre leurs utilités, leurs utilisations et s’il y a leurs limites. Afin de comprendre le potentiel d’améliorations et les limites d’utilisations, nous allons essayer de nous concentrer sur certains outils et objets les plus fréquemment utilisés :

Les premières aides auxquelles on pense lorsqu’il y a du texte ou de la signalétique sont généralement : les machines pour traiter le braille et le braille en lui-même.

Tout d’abord le braille c’est quoi ?

Le braille c’est un système d’écriture à points saillants destiné à l’usage des personnes atteintes d’une déficience visuelle.

Le principe est simple, utiliser le sens du toucher pour l’écriture et la lecture. Le braille peut se décliner sous différentes formes que cela soit du domaine informatique, au bloc notes et également sous différents « formats ». Il y a le braille classique et le braille abrégé pour faciliter la lecture.

Le braille à une importance capitale dans l’apprentissage, la lecture, la signalétique, il sert à s’orienter, s’informer, lire etc. C’est un langage égal aux autres langages ; or après avoir questionné les personnes concernées par la déficience visuelle, on se rend compte que l’apprentissage du braille se perd de plus en plus.

Avec les innovations récentes dans le domaine de l’audio, les personnes ont de moins en moins envie et le courage d’apprendre le braille, que cela soit chez les jeunes ou les personnes âgées. Selon Handicap.fr seuls 15% des aveugles lisent le braille.

En effet certaines personnes n’ont pas envie ni la volonté d’apprendre une nouvelle façon de lire, qui peut s’avérer fastidieuse. L’audio donne une facilité et une accessibilité que le braille n’apporte pas. Or cela crée un cercle vicieux où l’on enseigne moins le braille par manque de personnes intéressées par l’apprentissage alors même que le braille reste le moyen de langage le plus important avec son universalité. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CPRD) cite le braille « comme moyen de communication et le considère comme essentiel dans les domaines de l’éducation, de la liberté d’expression et d’opinion, de l’accès à l’information et de l’inclusion sociale de ceux qui l’utilisent. » ONU.info

Pour ce qui est de son utilisation, là aussi elle s’est innovée au fur et à mesure avec des nouveautés comme : « plages de braille » qui sont des dispositifs connectés en Bluetooth ou USB. Ils permettent d’afficher en braille le texte présent sur un écran via des cellules de brailles éphémères. Cela va permettre à une personne malvoyante de pouvoir accéder à l’entièreté, par exemple, d’un site internet et de pouvoir en lire le contenu.

Comme on vient de le voir, l’audio s’est fortement développé. Aujourd’hui les personnes atteintes de déficiences visuelles utilisent plus l’audio et le numérique par rapport au braille classique. Comment fonctionnent-ils ? C’est assez simple, pour la synthèse vocale c’est une technique informatique de « synthèse sonore » qui permet de créer de la parole artificiellement à partir de n’importe quel texte. La plupart du temps, elle est accompagnée d’un lecteur d’écran et d’un enregistreur. En effet grâce à l’enregistreur, la personne peut parler pour écrire, envoyer du texte et interagir avec l’outil en main tandis que la synthèse vocale va lire le texte. Quant au lecteur d’écran il va retranscrire avec la synthèse vocale ce qui est affiché sur l’écran d’un ordinateur ou de téléphone tant en termes de contenu que de structure. Il interagit avec le système d’exploitation et les logiciels/applications. Une personne déficiente visuelle peut par exemple utiliser un ordinateur exactement comme une personne voyante mais sans avoir besoin d’écran. Nous pouvons retrouver dans cette même optique plusieurs outils : L’OCR (La reconnaissance optique de caractères) est un logiciel qui aide à la traduction d’images et de textes imprimés, il se combine avec un scanner portable. Le fonctionnement est le suivant: le système OCR part de l’image numérique via un scanner optique ou un appareil photo comme celui de votre portable, et produit un fichier texte/image. A partir de là plusieurs étapes s’opèrent :

  1. Pré Analyse de l’image
  2. Segmentation en lignes et en caractères (ou Analyse de page)
  3. Reconnaissance proprement dite des caractères
  4. Post-traitement utilisant des méthodes linguistiques et contextuelles pour réduire le nombre d’erreurs de reconnaissance
  5. Génération du format de sortie, avec la mise en page pour les meilleurs systèmes.

Les livres audios ont d’ailleurs un programme qui se nomme « Daisy » qui encourage la lecture pour tous. C’est une certification pour répondre aux besoins culturels des personnes atteintes d’un handicap mental, physique ou déficience visuelle. C’est un format de livre audio qui permet à l’utilisateur de se déplacer à l’intérieur du livre, de placer des marque-pages, contrôler la vitesse de lecture, la voix etc. En ce qui concerne le numérique en général, l’accessibilité numérique est obligatoire depuis le 23 septembre 2020. Tous les sites internet, intranet et extranet des collectivités et organismes publics doivent être accessibles aux personnes handicapées depuis le décret du 25 juillet 2019, en application des dispositions de la loi « handicap ». Depuis le 23 juin 2021 les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique se doivent d’être adaptés. Avec ces lois, le numérique se doit d’être accessible et le design doit s’adapter s’il ne l’était pas déjà.

C’est en prenant compte de tous ces outils que des initiatives et des projets se sont créés. Plusieurs termes ont vu le jour comme: « design social », « design thinking », « design éthique », « social innovation ».

Le design « social »

Design social et design participatif

Au cours de mes recherches sur l’apport du design face au handicap, plusieurs termes sont souvent revenus dont un plus particulièrement, le « design social ».

Pour bien comprendre, il est important de définir les deux termes : design et social. Le design est souvent défini par les critères suivants : esthétique, fonctionnalité et couleur. Quant à sa définition littérale elle se définit comme cela: « Discipline visant à une harmonisation de l’environnement humain, depuis la conception des objets usuels jusqu’à l’urbanisme ». LAROUSSE, Dictionnaire. Le design serait donc une discipline de conception de projet qui évolue selon les changements socio-économiques et culturels.

Le social quant à lui se concentre plus vers le prisme de l’individu, la lutte contre les inégalités et le vivre ensemble, arborant ainsi plusieurs définitions :

  1. « Qui se rapporte à une société, à une collectivité humaine considérée comme une entité propre : L’organisation sociale. Phénomènes sociaux. »
  2. « Qui intéresse les rapports entre un individu et les autres membres de la collectivité : Avoir une vie sociale très développée. »
  3. « Qui concerne les relations entre les membres de la société ou l’organisation de ses membres en groupes, en classes: Les inégalités sociales. »
  4. « Se dit de métiers, d’organismes, d’activités s’intéressant soit aux rapports entre les individus, les groupes dans la société, soit aux conditions économiques, psychologiques des membres de la société. »
  5. « Qui concerne l’amélioration des conditions de vie et, en particulier, des conditions matérielles des membres de la société: Les politiques sociales de l’État. » LAROUSSE, Dictionnaire

Les deux termes « social » et « design » sont ainsi à première vue pas si éloignés, c’est en prenant les caractéristiques des deux termes que le design social a vu le jour.

Avec l’évolution des vies et de la société, de nouvelles questions fondamentales se sont posées face à notre société telle que :

Comment faire évoluer l’économie, la santé, le bien-être. Ce questionnement rejoignant celui de nos modes de vie, les domaines de la santé, de la culture, l’action publique, l’éducation etc.

C’est dans ce cadre que le design social se met au service de projets de société, dans lesquels l’humain occupe une place centrale. Il est censé aider à comprendre les dysfonctionnements de nos modes de vie, le but étant de concevoir ou améliorer nos environnements. Les projets qui s’inscrivent dans le « design social » doivent entrer dans une forme éthique, pour le bien commun et être conçus en collaboration, étant ainsi participatifs avec des professionnels et les bénéficiaires.

Le design social va de pair avec le design éthique, là où l’éthique remet l’humain au centre des attentions, tout en se questionnant sur la morale. En l’occurrence dans le design la morale du travail demandé aux designers, et son exécution. L’approche du design éthique et social se doit de comprendre et d’appréhender la complexité de son environnement pour pouvoir nouer un lien avec la société et l’Humain. La question que soulève donc le design éthique serait :

Quels est notre rôle et notre impact social et humain à travers le métier de designer ? C’est la prise de conscience qui pousse à remettre l’éthique au cœur du travail. L’utilisation du design se devrait d’avoir un regard critique sur la technologie et notre environnement, en prenant en compte le contexte. Le designer devrait, au lieu de répondre à une commande solvable, comprendre ce qui ne fonctionne pas, quels sont les problèmes et la problématique soulevées par la commande, en comprenant l’environnement. C’est-à- dire comprendre, diagnostiquer par l’expérience et prendre en compte l’expertise des usagers et non des commanditaires. Le design éthique ne doit pas être juste une signature ou une couverture, l’objet est pensé dans son contexte, de la vie des gens et des conséquences, des problèmes, des limites et des inconvénients que l’objet peut produire.

« Le design, s’il veut assumer ses responsabilités écologiques et sociales, doit être révolutionnaire et radical. Il doit revendiquer pour lui le principe du moindre effort de la nature, faire le plus avec le moins. »
Victor Papanek, designer austro-américain, Défenseur d’un design responsable d’un point de vue écologique et social citation.

En France le collectif L’association « Designers Éthiques » a organisé en 2017 la première conférence dédiée à la conception numérique durable, avec pour problématique la « conception de services plus respectueux des usagers ».

C’est avec ces idées et ces concepts de design que nous allons voir quelles ont été les actions faites pour notre cas.

Projets conçus

Un projet a été conçu avec la faculté de Genève autour du Muséum de Toulouse et de son apprentissage aux enfants déficients visuels : « Petits explorateurs tactiles ».Les petits explorateurs tactiles, Anne Sophie Baumman et l’équipe du Muséeum Naturel de Toulouse_

Le projet se veut être du design participatif et s’applique au domaine de la conception d’outils éducatifs multisensoriels à destination des enfants en situation de handicap visuel. Les designers et les personnes participant au projet mettent en place une méthodologie de conception qui s’inscrit dans le domaine du design centré sur l’usager, tout en répondant aux besoins perceptifs et cognitifs des enfants en situation de handicap pour le cas actuel.

La problématique est de trouver une méthode de travail adaptée vu que les dispositifs visuels, de maquettes ne sont pas adaptés à ce public spécifique.

C’est ainsi que le projet choisit de parler de la méthode « du design participatif » en trois objectifs distincts :

  1. Faire comprendre l’expérience aux voyants et les rapprocher de l’expérience pour aider le développement de dispositifs adaptés aux publics visés.
  2. Créer des dispositifs multisensoriels valorisant aussi les autres sens, et surtout créer des univers de partage entre voyants et aveugles.
  3. Engager une démarche de co-création avec l’enfant et son entourage (parents, médiateurs etc).

Dans le projet « Petits explorateurs tactiles » la démarche du design participatif s’est déployée avec un atelier participatif avec les enfants directement ansi que les protagonistes dans un atelier de Design Thinking. L’équipe du projet est constituée de: designers, médiateurs bibliothécaires et scientifiques du Musée d’histoire naturelle de Toulouse de chercheurs du domaine de la psychologie du handicap visuel (université de Genève et université Jean-Jaurès de Toulouse).

Le « Design Thinking » nous est donc présenté comme une mutualisation de compétences qui analyse des besoins, et invite l’ensemble des parties prenantes à participer au processus de création sans être nécessairement créateur ou designer.

La fin recherchée est de réunir plusieurs têtes pensantes et spécialistes dans leurs domaine pour faire un projet réellement collaboratif.

La méthode du design social est censée aider à comprendre les dysfonctionnements de nos modes de vie, l’objet étant de concevoir ou améliorer les environnements.

Ce projet reflète le design social de part sa prise en compte des usagers, du contexte et des participants, donnant ainsi la possibilité à travers un livre d’apprendre et de découvrir le muséum de Toulouse.

Pour découvrir plus de projet qui s’ancrent dans cette optique, l’atelier : « Design & Human » regroupe plusieurs projets qui s’intègrent dans l’habitabilité du monde, le design devenant un outil pour l’humain.

« Design & Human est un atelier de design indépendant dans lequel je réalise des projets graphiques, numériques, interactifs et dont le but est l’engagement social, citoyen, environnemental avec pour optique de favoriser la diversité du vivant : humain et non-humain.GeoffreyDorne, Designer, fondateur de l’atelier Design & Human, Co-fondateur de Labo.mg et Co-fondateur de l’Etape Design, introduction de Design & Human, Page d’accueil. »

Le Web ne doit pas faire exception, lorsqu’un web designer crée un site, il faudrait le penser initialement complètement accessible. Par exemple, un site contenant des images, va être lu par un lecteur d’écran qui va lire le « Alt » contenue dans le html. Bojana Coklyat et Shannon Finnegan ont créé un projet sur cette question du « Alt » à travers le site : « Alt-text-as-poetry.net », soutenue par Eyebeam et le Disability Visibility Project.
Shanon et Bojana sont des artistes handicapés et militantes. Elles se sont concentré sur la question du texte alternatif comme élément essentiel de l’accessibilité du Web. En se posant la problématique suivante :

« Comment pouvons-nous plutôt aborder le texte alternatif de manière réfléchie et créative? »

Leur objectif principal avec ce projet c’est de faire réfléchir de manière créative la traduction d’images.

Pour cela elles ont mis en place ce site web avec à l’intérieur un classeur composé de :

Le webdesigner devra décrire l’image dans ce « alt » de façon agréable et poétique pour ne pas rendre la lecture audio austère, tout en gardant la description concise pour ne pas allonger la navigation sur le site. Mais plus simplement, pour commencer à faire des sites accessibles quelques petites manipulations simples sont les bienvenues comme: une possibilité de changer de caractère, ne pas inclure d’animation qui obstrue la lecture d’un lecteur d’écran, faire attention à la couleur choisie de la typographie et du fond et ainsi de suite.

En gardant tout cela en tête, nous nous apercevons que le designer à un rôle clé dans l’accessibilité en se plaçant à la place des utilisateurs, pour mieux comprendre les attentes. Le jeu de société, ce qui est le cœur de notre sujet, n’échappe pas à ses codes, au contraire.

La place du designer dans le jeu de société

Cibler les besoins et les problèmes

Les questions de l’accessibilité et de penser le jeu pour les déficients visuels sont d’autant plus importante puisque c’est de par l’obstacle de leur handicap et de la matière même du matériel d’un jeu de société (dés, cartes, pions, plateaux, etc.) qu’ils sont les personnes les plus empêchées de pouvoir jouer aux jeux de sociétés. Il est donc important pour adapter un jeu ou penser un jeu accessible, de cibler les besoins et les problèmes rencontrés des déficients visuels dans les jeux de sociétés.

Les problèmes rencontrés sont le plus souvent liés au manque de matériel adapté, qui entraîne une perte d’autonomie des personnes concernées, mais également le manque de connaissance du handicap et des solutions qui font qu’il y a des problématiques. D’autres difficultés découlent de cela, le manque d’éditeurs qui s’occupent de ces problèmes, le fait de ne pas pouvoir inclure tous les handicaps. Le coût de production peut être plus élevé et tous les éditeurs ou créateurs ne peuvent se le permettre.

Commençons par le matériel, ce qui pose le plus de problèmes, c’est les jeux avec des cartes où il y aura beaucoup d’écriture et d’effets différents. En effet, s’il y a une multitude d’effet à retenir cela devient très compliqué voire injouable.

Prenons le cas d’un deck building classique, le système de jeu repose sur des effets de cartes et là où on doit construire sa main, donc il est impératif de comprendre les cartes, et il peut y avoir des centaines d’effets différents. Pour revenir sur le matériel à proprement parler cela peut être tout simplement des pions de valeurs différentes mais qui sont identiques en formes ou au toucher, alors il est impossible de les distinguer. Nous pouvons également prendre l’exemple du jeu de dames, lorsque le joueur place les pions sur le plateau, si on veut balayer le plateau de nos mains pour distinguer les placements, on peut tout chambouler et il est alors impossible de se replacer et de bien comprendre le plateau.

Quelles solutions ?

Penser un jeu c’est penser l’accessibilité par le design, l’ergonomie de l’objet, le design utilitaire, l’interactivité, le design d’utilisateur, etc.
Qu’est-ce que cela veut dire ?

Il y a différentes façons de rendre accessible un jeu. La première étant de prendre un jeu déjà existant et d’ajouter du matériel pour le rendre accessible. Pour comprendre, nous allons parler de l’association Accessijeux, qui est une association fondée en 2015 par 3 passionnés de jeux de société dont un est fortement déficient visuel. Leur objectif est de faire en sorte que les personnes malvoyantes, aveugles et voyantes puissent jouer à la même table avec le même jeu en parfaite autonomie. Pour cela, ils utilisent un système de stickers en résine transparents que l’on peut coller sur les cartes des jeux ou matériels pour les différencier, exemple: une carte rouge avec le numéro 6 donnera: un coeur pour la couleur rouge et un rond pointé avec un point en plus pour le numéro 6, à la façon des chiffres romains. Cela facilite la lecture en toute autonomie et n’oblige pas les personnes à passer par le braille. Ils utilisent également d’autres méthodes avec des aimants, des pastilles, de la peinture à relief, etc.

Ici l’idée est de changer au minimum le jeu de base pour impacter le moins possible le visuel et le jeu en lui-même. L’autre manière est de repenser complètement le jeu. C’est-à -dire prendre le jeu et changer sa conception pour le rendre accessible de base.

Prenons toujours l’exemple de Accessijeux, ils ont édité trois jeux de société qui reprennent cette façon de faire :

ToutilixToutilix

C’est un jeu 100% adapté pour les déficients visuels, le jeu existant déjà, accessijeux l’ont refait entièrement adapté : Les 12 règles du jeu ont entièrement été enregistrées sur CD-audio par Marc Duquenoy, comédien voix-off. En effet, le braille contrairement aux idées reçues n’est pas la meilleure solution pour avoir accès aux informations écrites puisque seulement 10000 personnes en France savent lire le braille. Sur 1,7 millions de déficients visuels profonds, La forme des cartes a été étudiée de sorte qu’un non-voyant soit toujours en mesure de tenir ses cartes dans le bon sens. Le bord supérieur droit fortement arrondi sert alors de repère. Des cartes très contrastées avec des lettres en très gros caractères. Chaque lettre est dessinée avec un vernis relief permettant aux non-braillistes de lire la lettre du bout des doigts. La lettre est écrite en braille dans le coin supérieur gauche de chaque carte.

Mow AccèsMow Access, Bruno Cathala, Accessijeux

Les règles ont été numérisées et accessibles par QR CODE. Ce qui était autrefois un jeu de cartes devient dans cette édition un jeu de tuiles. Ce choix de matériel permet à des personnes non voyants d’avoir accès aux informations tactiles présentes sur les tuiles. Point: Le format l’épaisseur des tuiles et leur disposition permet donc une lecture adaptée. La forme originale de la tuile façon puzzle permet quant à elle d’indiquer l’emplacement et le sens de pose des tuiles. Les valeurs sont imprimées en caractères fortement contrastés, pour faciliter la lecture pour des malvoyants. Parmi les différentes solutions qui ont été développées, on peut citer le braille et le relief. Afin d’être accessible à un maximum de profils, les chiffres en bas à droite de chaque tuile sont rendus tactiles grâce à une épaisse couche de vernis.

Quarto Quarto

Quarto est un jeu en duo, où le premier à faire une ligne de même forme, ou même taille, couleur gagne. Le jeu a été repensé en changeant le plateau pour qu’il soit aimanté pour éviter que les pièces bougent lorsque le joueur passe les mains sur le plateau et pour faciliter la mise en place des pièces. Les couleurs ont été changées par une rainure intégrée dans le bois.

Ainsi, le designer se doit de repenser le jeu en passant par le design brut, l’ergonomie du jeu, l’interactivité avec l’utilisateur et l’accessibilité en elle-même. Le designer se veut de penser les solutions, il faut donc penser design dans son intégralité et le faire tester en temps réel.

Dans les cas des jeux vus précédemment les points qui ont été modifiés et rendu accessible sont les suivants :

Les jeux

Aujourd’hui sur le marché cela donne quoi ?

Comme je l’ai montré précédemment il existe la gamme Access Games avec les jeux repensés et édités de façon à être accessibles. En dehors de cela on est en droit de se poser la question: en existe t-il d’autres ? Est ce que des entreprises ont déjà pris le parti de rendre accessible leurs jeux ?

Plusieurs entreprises de jeu « traditionnel » se sont mises à adapter leurs jeux pour les déficients visuels. C’est en appelant des associations comme « accessijeux » qui aide à l’adaptation des jeux, et à l’édition.

Mattel à lancé une version d’UNO en braille ; chaque personne dit à voix haute les cartes jouées pendant la partie, et les joueurs non-voyants peuvent toucher la pile de pioches et demander un contrôle des cartes, pour déterminer combien de cartes possèdent les joueurs. Lego à également adapté ses briques. En effet, plusieurs associations de non voyants ont sollicité Lego afin de voir avec la marque pour pouvoir avoir une gamme de briques comportant des lettres en braille. L’objectif est de familiariser les enfants avec l’alphabet braille, pour pouvoir être autonome sans l’aide de l’audio et du numérique. Suite à cela Lego travaillé également à traduire les notices d’utilisation. Les autres jeux les plus connus comme le scrabble, les jeux de cartes traditionnels ou les jeux d’échecs sont également adaptés par l’usage du braille. Or le prix peut être cher, par exemple l’édition du monopoly en braille coûte 199 euros. De plus il y a des soucis en terme de mémoire, dans un jeu d’échecs il faut se rappeler de toutes les cases, des actions de l’autre joueurs etc ce qui donne une difficulté supplémentaire au jeu. Le plus souvent nous allons retrouver sur le marché des jeux dédiés pour la jeune enfance comme la maison d’édition « Les mains en or ».

C’est pour cela que les éditeurs de jeux de société se tournent vers des associations dédiées pour essayer de trouver la meilleure façon d’adapter les jeux.

Il existe tout de même quelques jeux pensés ou assez adaptés pouvant être joués par des déficients visuels sans trop de difficultés. Par exemple, le jeu Nyctophobia, qui se joue à l’aveugle dans lequel il n’y a qu’une seule personne qui est voyante. Nyctophobia est un jeu coopératif de labyrinthe tactile pour 3 à 5 joueurs.

« Tous les joueurs, sauf un, jouent le jeu dans l’impossibilité totale de voir le plateau. Les joueurs aveugles forment l’équipe des « Chassés ». Ils sont chargés de trouver la voiture sur le plateau et de survivre jusqu’à ce que la police arrive pour les sauver. Le joueur voyant est le Chasseur, il est chargé de pourchasser les Chassés et de réduire leur nombre à zéro avant que la police n’arrive. »

Un autre jeu est également jouable, c’est maître renard :

« Maître Renard, le célèbre goupil, souhaite prendre quelques vacances loin de son domaine de Grisbois. Mais avant de partir, il va choisir un remplaçant parmi les plus intrépides chapardeurs de la forêt. Afin de lui prouver votre valeur vous allez devoir accomplir les missions que vous confiera l’illustre roublard et ramener le plus gros butin possible de la ferme voisine. Serez-vous à la hauteur ? Qui deviendra le nouveau « Maître Renard ? » 

Maître Renard est un jeu de rapidité et de reconnaissance tactile. Les joueurs jouent en simultané, avec un masque de renard obstruant complètement la vue. Ils doivent mémoriser et retrouver les formes des animaux à capturer et ce uniquement grâce au sens du toucher. » Autrement dit le marché du jeu de société est assez limité par les contraintes vues précédemment, et c’est là où le designer rentre en jeu pour adapter et rendre accessible la culture du jeu de société.

Mais en pratique, que donne réellement le jeu de société et le design accessible pour les déficients visuels ?

C’est au sein de l’équipe de l’UNADEV de Pau et également avec l’équipe de Accessijeux où j’ai pu effectuer mon stage que j’ai pu voir concrétement l’impact et le travail qu’il faut pour rendre accessible ce pan du loisir.

Étude de terrain

Mise en place concrète

J’ai réalisé des ateliers autour du jeu de société avec les adhérents à l’UNADEV de Pau pour comprendre les problèmes liés à ce médium. La plupart ont arrêté de jouer aux jeux de société de par la complexité d’en trouver mais également le manque de savoir sur l’existence de médiums adaptés. En effet la communication autour de l’handicap est très compliquée car tout le monde n’est pas forcément sur les réseaux, et le public peut être coupé du numérique notamment pour les seniors déficients visuels (la déficience visuelle touchant principalement les personnes âgées).
L’autre souci, c’est l’utilisation du braille, pour la plupart ils ne savent pas le lire. C’est aussi dans ce souci qu’Accessijeux essaye le plus possible de limiter le braille. L’idée c’est vraiment de redonner goûts aux jeux de société aux personnes touchées par ce handicap. Tout simplement pouvoir jouer à une table avec des malvoyants, des aveugles, et voyant sans aucune différence. Dans cette optique, j’ai voulu comprendre comment fonctionne le monde du jeu et de l’adaptation, avec Accessijeux. Lorsqu’on découvre cette ludothèque, on se retrouve face à des centaines de jeux, dont plus de 150 jeux adaptés aux déficients visuels. Lorsque nous pensons jeux adaptés, nous avons du mal à s’imaginer des nouveaux jeux sortants, des jeux modernes, jeux experts etc. C’est là, la force de Accessijeux, c’est que l’on aura du mal à trouver les jeux de sociétés dit classique, on aura vraiment des jeux modernes à dispositions dont des jeux assez compliqué à mettre en place. Je vais prendre l’exemple du jeu « 7 Wonders Architects » qui a gagné l’As d’Or 2022 (sacré meilleur jeux de l’année). C’est un jeu de stratégie, les joueurs doivent :

Accessijeux a donc en sa possession ce jeu de façon adaptée, ce qui ouvre vraiment les champs du jeux de société, et ne se cantonne pas au jeux classique. Ne fermant pas ainsi la porte des nouveautés aux personnes atteintes de déficience visuelle. Sur place j’ai été sur la création d’adaptation de jeux de société existants, je devais repenser le jeu à zéro. Ici mon travail n’était pas d’adapter un jeu existant avec du matériel rajouter, mais de repenser entièrement le jeu. Mon premier essai a été sur le jeu DétrakDétrak modèle , qui est un roll and write, (on lance un dé et on écrit sur une feuille). Le défi était de trouver comment rendre accessible un type de jeu, qui ne l’était pas encore à ce jour. Détrak, c’est un jeu d’ambiance, les règles sont les suivantes : Lancer les dés et noter les symboles obtenus dans votre grille pour marquer le plus possible de points. Pour gagner, il faudra garder un œil sur toutes les lignes et toutes les colonnes et tenter de créer des suites de 2, 3, 4 ou même 5 symboles identiques. On a donc réfléchi en plusieurs étapes : Premièrement il fallait réfléchir sur les problématiques du jeu :

Quant aux couleurs, nous sommes partis sur deux couleurs distinctes pour qu’il y ait un vrai contraste avec les cases, le plateau et les pions pour faciliter la prise en main et les repères.
La couleur est un enjeu important dans l’adaptation des jeux de société. Elle est déjà prise en compte par un nombre d’éditeurs dû au daltonisme. On évitera ainsi, d’avoir des cartes avec des couleurs qui se rapprochent trop, avec des contrastes faibles, ou trop fades. Là où l’œil aura beaucoup de difficultés à reconnaître les formes et les couleurs. C’est pour cela que nous sommes partis sur un plateau sombre, avec des cases très claires pour avoir un effet de négatif et des pions rouge vif qui permettent facilement de les distinguer. Pour ce qui a été de la phase de test on a fait des parties avec l’équipe et des bénéficiaires au sein de l’association et des soirées jeux de sociétés.Test du prototype de Détrak avec l’équipe et des bénéficiaires L’équipe de Accessijeux à également pu tester l’adaptation de Détrak au festival du jeu de société de Toulouse.Test du jeu Détrak au festival de jeu de société de Toulouse

Ce que j’ai donc pu observer sur place, c’est vraiment le travail de groupe, nous travaillons tous pour un même but, de façon participative afin d’améliorer ce loisir.

En conclusion

Conclusion comment le design et l’écriture numérique peuvent accompagner l’adaptation aux jeux notamment de société à des joueurs ayant une déficience visuelle ?

Le designer se doit de travailler main dans la main avec les protagonistes d’un projet, de façon participative afin de mieux comprendre son sujet et de s’ancrer dans son contexte. Le designer a une part de responsabilité au même titre que chacune des personnes touchées par ce milieu tels que les éditeurs, les maisons d’éditions de jeux de sociétés. Le fait d’avoir un design participatif permet au designer de comprendre et d’appréhender son environnement pour recentrer le projet sur l’humain. Le designer est là pour accompagner les personnes qui font appel à lui, et améliorer les projets, afin d’aider les personnes. Avec les connaissances et les outils mis à notre disposition, nous pouvons faire évoluer le milieu du jeu de société pour les déficients visuels.

En premier temps, il serait important de commencer à sensibiliser les publics non touchés, pour faire évoluer les consciences sur le sujet, afin de réussir par la suite à pousser les éditeurs de jeux à s’intéresser davantage à la question de l’accessibilité des jeux de société pour tous. Le jeu se doit d’être inclusif, qu’il puisse être joué par un voyant comme un non voyant. L’esthétique du jeu ne doit surtout pas être délaissée, au contraire, elle doit être modifiée ou adaptée, c’est le travail du designer. Il doit donner envie en étant attractif visuellement, être affordant et agréable à jouer pour tous, trouver un bon compromis entre l’adaptation et l’esthétique.

« Pour qu’il y ait de l’inclusion et que ça fonctionne, il faut que ça aille dans les deux sens, il ne faut pas que les gens valide est l’impression de jouer avec un jeu de handicapé, il faut qu’on conserve des graphismes et que ça soit plaisant, pour eux aussi, ce n’est pas juste de rendre le matériel accessible pour les handicaps, il faut que le jeu reste plaisant pour les gens qu’ils jouent avec eux sinon ils ne joueront pas avec eux. » Xavier Mérand,citation

Je suis actuellement en train de réaliser pour mon projet de diplôme une exposition de dispositifs ludiques et interactifs qui passeraient par le jeu. Ce serait une exposition pensée, travaillée avec des classes scolaires et des associations de déficients visuels, avec pour but de sensibiliser les familles et enfants au handicap visuel.

Annexes

Ambrosia Dandré
Annexes
Brûlures chimiques
Catarate
Dégénérecence
Glaucome
Névritiques
Laren
la rêtine pigmentaire
le decollement de la rétine
La perte de vue compléte
Collection de la maison d’édition : Mes mains en or, couverture des livres, La cuisine pour tous, Rebecca Bauer et Adeline Richez, 2021, Pablo, Rascal, 2019, Tacti Jeux, Jonathan Fabreguettes, 2020.

Collection des livres à touchés, Edition : Les Doigts qui révent, Au voleur! Déborah Blancféné, vus du livre, Le chevalier qui cherchait ses chaussettes, intérieur, Christian Oster, Les petits explorateurs tactiles, Muséum de Toulouse, Anne Sophie Baumann & L’équipe du muséum d’histoire naturelle de Toulouse, Intérieur
Légo braille, apprendre l’alphabet avec les legos, vus de 3 briques
Maitre renard, boite de jeux
Visuel du jeu Nyctophobia
Visuel du jeu 7 wonders Architects
Visuel du nouveau plateau de Onitama en bois avec l’ancien plateau faits de tissus que j’ai pu réaliser à Accessijeux.
Ambrosia Dandré
Entretiens

Entretien

Entretien avec Xavier Mérand

Ambrosia Dandré Bonjour Xavier et merci d’avoir accepté d’échanger avec moi aujourd’hui. Je voulais parler avec vous de votre association Accessijeux avec vous. Pouvez vous me dire qu’est ce que Accessijeux et qui êtes vous ?

Xavier Mérand Accessijeux est une association à but non-lucratif fondée en 2015 par 3 passionnés de jeux de société, dont un été fortement déficient visuel. L’objectif de faire en sorte que les personnes malvoyantes, non-voyantes et voyantes puissent jouer à la même table ensemble et aux mêmes jeux et en parfaite autonomie.

Avec le temps, l’association s’est forgé une bonne réputation dans le monde du jeu et une référence en terme d’accessibilité dans le jeu de société. Forcément, la question se pose de l’adaptation pour d’autres types de handicaps, mais nous notre domaine d’expertise étant la déficience visuel puisque c’est de par l’obstacle qu’il y a pour accéder au matériel, le public, le plus, empêche de jouer aux jeux de société.

Accessijeux, c’est une ludothèque à Paris dans le 12 éme qui dispose de 1200 jeux dont 350 qui sont adapté aux déficients visuels. Accessijeux, c’est une boutique de jeu de société qui dispose environ 150 références de jeu adapatés. Accessijeux, c’est un éditeur par l’intermédiaire de la marque Accecigame qui vend en France et à l’international, Royaume Unis, Belgique, Suisse, Allemagne,etc. Des jeux édités. Le premier jeu édité étant Toutilix, et sinon Mow accès est sorti au mois d’août, édité a 5 milles exemplaires, Quarto est sorti au mois de décembre à 3000 exemplaires, les jeux à venir étant TTMC et Lucky numbers. Ses jeux sont accessibles, car disposant d’un matériel en braille, gros caractère etc, mais également des règles disponible en langues des signes, destinées à un public sourds et malentendant.

Enfin dernière activité, ce sont les animations, à la fois, on répond aux demandes des festivals pour rendre un espace accessible et également faire de la sensibilisation aux prêts du public.

AD Quelles ont été les contraintes que vous avez rencontrées en faisant l’association ?

XM Au début, il n’y avait pas beaucoup de contraintes, c’était juste l’inconnu et surtout savoir si ça allait intéresser. Avant de créer l’association, j’ai déjà créé un site internet et un groupe Facebook, et quand j’ai vu qu’il y avait de l’engouement alors j’ai créé l’association. J’étais en reconversion, et je voulais m’engager dans un truc que si je savais que ça allait fonctionner. Les contraintes ? Et bien pas beaucoup, vu qu’on est dans une niche ou il n’y a quasiment que nous à l’échelle mondiale, on intéresse en fait, que ce soient les mutuelles, les organismes qui financent, qui ont des appels à projets ou autres. La principale contrainte, c’est une contrainte de communication, liée à la déficience visuelle, car tout le monde n’est pas forcément sur les réseaux, car tu touches un public qui peut être pour certains coupés du numérique notamment pour les seniors déficients visuels. Globalement pas beaucoup de contraintes, surtout beaucoup de projets qui naissent.

AD En parlant de communication, est ce que ça été facile pour les éditeurs d’accepter l’accessibilité et de parler de cela ?

XM Bah forcément, plus qu’avant qu’on ne soit là, avant qu’on soit là le sujet de l’accessibilité, c’était le sujet du daltonisme et qui est toujours d’actualité puisqu’on a été missionné dessus pour travailler, labellisé pour des jeux accessibles aux daltoniens. Mais depuis qu’on a mis un peu le nez dans ce milieu, il y a d’autres sujets qui sont abordés.

Déjà, ils se rendent compte qu’il y a des personnes mal voyantes qui peuvent être intéressées à jouer aux jeux de société. Je pense qu’avant au festival peu de gens venaient avec des cannes blanches. Au moins, les éditeurs ont l’avantage de voir tout un public qu’ils ne pensaient pas forcément: Un public qui a aussi besoin d’accéder aux jeux. Après, est ce qu’il le considère dans leurs éditions, pas forcément, le daltonisme oui, mais ça va toujours rester très visuel de toute façon. On conseille de temps en temps sur des petits tips comme : les pièces si valeurs différentes soient de tailles différentes, etc, mais ça engendre des coups différents aussi, ce n’est pas toujours possible dans l’équilibre d’un jeu d’être accessible.

AD Quelles sont les demandes les plus fréquentes des adhérents ou des personnes qui viennent à la ludo ?

XM Des jeux très simples, des jeux qui connaissent déjà, ce n’est pas un public qui n’est pas éduqué aux jeux, ils ne vont pas nous demander à jouer a the Crew ou Dixit, ils vont n’ou demander la bonne paye, le sudoku ou le Monopoly adapté. Ils demandent les grands classiques du jeu de sociétés. Au-delà de l’aspect de l’accessibilité, vu qu’on est des passionnés de jeux, et qu’on milite pour faire connaître les jeux modernes, on ne répond pas forcément bien à ses demandes-là. En terme de tranches d’âge ; ce qui vient à la ludothèque sont des jeunes adultes, ce qui sont concernés par la déficence visuelles c’est des séniors a 80 % c’est pour cela que dans les jeux qu’on édite des jeux aimer par les seniors, et adapté en termes d’handicap spécialisé aux seniors, ergonomie etc.

AD Quelles sont les méthodes que vous avez utilisées ?Et comment les avez-vous améliorées du début à aujourd’hui ?

XM Au tout début, on n’avait pas la gamme de stickers en relief qu’on a aujourd’hui. Les premières adaptations, c’était des repères tactiles avec des gommettes de classeurs, et œillets et un jour dans un salon d’autonomie, j’ai vu le stand des impressions à la ville et là, j’ai eu le flash sur le système de chiffrage et les formes pour les effets de cartes. On doit avoir une vingtaine de formes géométriques qui changent les couleurs et les effets de cartes. On avait développé l’application accessijeux, mais qui avait été mal pensée par le développeur et par nous à l’époque, car on avait imaginé que l’application pouvait être présente un peu partout dans la partie pour accompagner le joueur, sauf que trop d’appli tue le jeu. On n’a quasiment pas joué avec l’application quand elle a été développée, elle a été mise de côté, par contre on sent que ça pourrait être utile, elle va revenir en simplifiant beaucoup, et mieux cibler les jeux qui s’y prête le mieux. Mais on ne veut vraiment pas que ça soit un truc central de l’accessibilité.

AD Quelles sont vos ambitions futures ? Et vos ouvertures à d’autres handicaps ?

XM En terme de différence de handicap, moi, j’ai toujours eu en tête dès le début en appelant sa accessijeux, c’était vraiment ouvert, si un jour, on grossit vraiment ça sera bien d’étendre prendre en considération le maximum de handicap. Après, on n’est pas spécialisé, Benoit et moi, on a aucune formation sur le terrain, évidemment, on voit des gens à la ludothèque et à d’autres festivals, on apprend à communiquer, etc., on est aptes à ne parler que de ce qu’on connaît. On n’a pas la prétention d’avoir des connaissances sur tous les handicaps comme on l’a sur la déficience visuelle. Le développement, on l’a dans les jeux de société et jeux vidéo, on veut mettre ça en place. Et en développement mondial, il est énorme, car ce besoin-là, il existe partout, en déficience visuelle, on est les plus avancés, il y a un potentiel de développement partout, c’est juste que c’est long et ça prends des ressources humaines.

AD Où placez-vous le design et son importance dans l’accessibilité ?

XM C’est essentiel, c’est ce qui fait toute l’accessibilité d’un jeu. Quand on refait l’édition, on reprend tout, dans Mow par exemple, on a tout refait, car ça n’allait pas en terme d’ergonomie, les couleurs, etc. Le design graphique et l’ergonomie est essentiels, ce sont nos bénéficiaires qui nous font nos retours dans tous les cas. On fait toucher, jouer à chaque fois, notamment à Carole qui est une de nos bénéficiaires, pour le braille. Le design visuel est essentiel, si il y avait une grosse partie en amont qui aurait été faite à ce niveau là il y a des jeux pour déficients visuels qui fonctionneraient très bien, c’est pas forcément possible sur tous les jeux c’est sur. Il y a des choses qui pourraient être mieux faites, même en termes d’illustrations. Nous ça toujours été, on fait des jeux pour tous, l’illustration est importante et le design. C’est pour tout le monde.

Pour qu’il y ait de l’inclusion et que ça fonctionne, il faut que ça aille dans les deux sens, il ne faut pas que les gens valide est l’impression de jouer avec un jeu de handicapé, il faut qu’on conserve des graphismes et que ça soit plaisant, pour eux aussi, ce n’est pas juste de rendre le matériel accessible pour les handicaps, il faut que le jeu reste plaisant pour les gens qu’ils jouent avec eux sinon ils ne joueront pas avec eux.

Ambrosia Dandré
Glossaire

Glossaire

Deck Bulding
nom anglais | ou « Jeu de construction de paquet de carte » en français,Le deck-building, parfois traduit en construction de pioche ou de paquet, est une mécanique de jeu de société, et en particulier de jeu de cartes, où les joueurs commencent avec les mêmes cartes puis construisent leur paquet au cours de la partie.
Jeu de rôles
nom français|masculin, Un jeu de rôle est une technique ou activité, par laquelle une personne interprète le rôle d’un personnage (réel ou imaginaire) dans un environnement fictif. Le participant agit à travers ce rôle par des actions physiques ou imaginaires, par des actions narratives (dialogues improvisés, descriptions, jeu) et par des prises de décision sur le développement du personnage et de son histoire.
Ethique
nom français|féminin, L’éthique est un ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu’un.
Design thinking
nom anglais, Le design thinking est une approche de l’innovation centrée sur l’humain. C’est une méthode ou un process de conception globale, centré sur l’utilisateur (ou l’humain), en vue de réaliser des services ou produits innovants. Cette méthode d’innovation a plus de 50 ans d’existence.
Ambrosia Dandré
Réfèrences

Références

Bibliographie

Benjamin Cotten & Philippe Zappadu. (2018). « SENS INCLUSION DESIGN ».

Anne Sophie Baumann & ET L’ÉQUIPE DU MUSÉUM D’HISTOIRE NATURELLE DE TOULOUSE, SOLÈNE NÉGRERIE. (2003). Les petits explorateurs, Toulouse (France) :

Etapes numéro 244. Design et handicap

Craipeau Sylvie. La Société En Jeu(X), Le Laboratoire Social Des Jeux En Ligne.

Christine Leang Au royaume des aveugles

Hapticbooks (FNS Suisse – Université de Genève (2020) Outils multisensoriels et handicap visuel : apports du design participatif PDF

Ludographie

Dixit Jean-Louis Roubira, illustré par Marie Cardouat, édité par Libellud Distribué par Asmodee, Paille Le jeu Dixit fait appel à votre imagination, à votre interprétation et à votre univers personnel. Confrontez votre vision des cartes avec celles de vos amis, et découvrez vous les uns les autres. Dans ce jeu familial, rêve, imagination, poésie, et références culturelles aboutissent à un mélange d’exception.

Maître Renard Frederic Vuagnat A.K.A. La Loutre Illustré par Ruz Catell Edité par Goupil, Superlude Distribué par Iello, MAD Distribution

Maître Renard est un jeu de rapidité et reconnaissance tactile. Les joueurs jouent en simultané, avec un masque de renard obstruant complètement la vue. Ils doivent mémoriser et retrouver les formes des animaux à capturer et ce uniquement grâce au sens du toucher.

Nyctophobia Un jeu de Catherine Stippell Illustré par Peter Wocken Edité par Pandasaurus games

Mow Access Bruno Cathala Illustré par David Boniffacy A.K.A. Bony Edité par Accessigames

The Crew Thomas Sing Illustré par Marco Armbruster Edité par Iello, Kosmos

Les joueurs incarnent les membres d’un équipage spatial en voyage vers une mystérieuse planète. Mais le périple s’annonce épique, car il faudra accomplir 50 missions de plus en plus périlleuses avant de pouvoir atteindre la destination. Pour remporter une mission dans The Crew, chaque joueur doit accomplir les tâches qui lui sont assignées. À chaque tour de jeu, les joueurs jouent une unique carte de leur main pour former un pli. Le joueur qui veut accomplir sa tâche doit non seulement remporter le pli, mais aussi s’assurer que la carte correspondant à la tâche soit présente dans le pli ! 100 % coopération !

TTMC Editeur TTMC Illustré par Vincent Burger Distribué par Pixie Games Le but du jeu est d’être le premier à parcourir le plateau en répondant aux questions posées.

L’originalité réside sur le principe d’autoévaluation de ses connaissances de 1 à 10 sur une multitude de sujets.

Lucky Numbers Michael Schacht Illustré par Walter Pepperle Edité par Ravensburger À la croisée des chemins entre le Sudoku et le loto, Lucky Numbers est un jeu où vous pourrez combiner tactique et chance pour remplir votre grille de nombres.

Onitama À la croisée des chemins entre le Sudoku et le loto, Lucky Numbers est un jeu où vous pourrez combiner tactique et chance pour remplir votre grille de nombres.

Sitographie

Les doigts qui rêvent -> https: //ldqr.org/

Large vision-> https: //largevision.fr/

Ceciaa -> https: //www.ceciaa.com/

Blog, Le petit Prince -> https: //www.blog.lepetitprince.com/2014/11/le-petit-prince-en-braille-devient-realite/

Vidéo Jeux de société entre joueurs voyants et aveugles -> https: //www.youtube.com/watch?v=5vPjcIfkPSo&feature=emb_title

Exposition, Touching the Prado -> https: //www.museodelprado.es/en/whats-on/exhibition/hoy-toca-el-prado/29c8c453-ac66–4102–88bd-e6e1d5036ffa

Vidéo, Présentation d’un jeu de société permettant aux non-voyants de pouvoir jouer avec les voyants.
-> https: //www.youtube.com/watch?v=JgV195VQJ6o

Vidéo, Témoignage d’un malvoyant discriminé – Au coeur du sujet. -> https: //www.youtube.com/watch?v=Q9jvJMfE-rQ

Handy Design, Camille Bisson Designer -> https: //design-handicap.tumblr.com/

Hop Toys -> https: //www.hoptoys.fr/handicap-ou-troubles-visuels-c-983.html

Article, Livre de cuisine -> https: //www.idboox.com/infos-ebooks/un-livre-de-cuisine-tres-innovant-concu-pour-les-personnes-aveugles/

Antoine Peltier, Ethics for design -> https: //antoinepeltier.com/ethics-for-design-documentaire-responsable

Blog, Tout savoir sur les mécaniques de jeux de société -> https: //www.ludum.fr/blog/tout-savoir-sur-les-mecaniques-de-jeux-de-societe-n30

Article, Braille Neue : une police pour les voyants et les aveugles -> https: //www.bewaremag.com/braille-neue-police-typographie-graphisme/

Microsoft Ai -> https: //www.microsoft.com/fr-fr/ai/seeing-ai

Vidéo, AccessiJeux, se jouer des différence! -> https: //www.youtube.com/watch?v=ed_o9woTDSw

Design and Human -> https: //designandhuman.com/

Alt-text-as-poetry -> https: //alt-text-as-poetry.net/

Ambrosia Dandré
Remerciements

Remerciements

Je tiens à remercier Corinne Melin de m’avoir aidée à rédiger cet article, ainsi que pour ses conseils et corrections. Je remercie aussi toute l’équipe de UNADEV Pau : Valérié Mallassenet, Aurélie Labrousse,Lacroix Clerc Céline, Hammershmidt Steeve, Bacqueyrisses Christine et les bénéficiaires de m’avoir accompagnée dans ce projet et dans leurs déterminations à faire bouger les choses. Je remercie également Bertrand Pasquier et Sabrina Pasquier avec qui sans eux je ne me serais jamais réellement penché sur le sujet. Enfin, je remercie Xavier Mérand et Benôit Forger de Accessijeux pour leurs temps, leurs partages précieux et de m’avoir accepté au sein de leurs équipes lors d’un stage pour mieux comprendre mon sujet et ce fut un grand plaisir d’avoir travaillé à leurs côtés.


  1. Source : NPD group (NPD Group entreprise américaine d’étude de marché), origine fabricant ↩︎

  2. Larousse, Dictionnaire ↩︎